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COVID-19 et GROSSESSE : Premières données sur 7 mères et leurs bébés

 The Lancet Infectious Diseases March 24, 2020 DOI: 10.1016/S1473-3099(20)30176-6

Si quelques études ont déjà évalué le risque de transmission verticale du nouveau coronavirus SARS-CoV-2 de la mère enceinte au bébé, les données tant épidémiologiques que cliniques sur COVID-19 durant la grossesse restent peu nombreuses. Cette toute première étude de cas, menée chez 7 femmes enceintes infectées à SARS-CoV-2 et ayant développé COVID-19 durant leur 3è trimestre de grossesse apporte dans le Lancet Infectious Diseases, des résultats positifs tant pour les mères que pour leurs nourrissons. Sous condition d’une gestion rigoureuse et d’un suivi pluridisciplinaire.

C’est l’une des premières études à apporter non seulement des données cliniques et biologiques sur ces mères et leurs enfants, mais également quelques informations sur les effets des traitements de supports prescrits pour COVID-19 pendant la grossesse. Une analyse  des données existantes sur ces principaux traitements avait déjà récemment suggéré qu’en cas d’allaitement, le bébé allaité ne recevrait que très peu de principe actif, avec des effets indésirables limités.  

Cette petite étude est menée, entre le 1er janvier et le 8 février 2020, auprès de 7 patientes enceintes, âgées en moyenne de 32 ans, atteintes de COVID-19 au cours de leur 3è trimestre de grossesse, traitées à l’hôpital de Tongji (Wuhan, Chine) et ayant donné vie à 7 nouveau-nés. 2 patientes avaient des maladies chroniques (hypothyroïdie et syndrome des ovaires polykystiques) et 3 des cicatrices utérines. L’étude apporte une première photographie des caractéristiques épidémiologiques, cliniques, de laboratoire et radiologiques, ainsi que quelques retours sur le traitement et les résultats maternels et fœtaux.

La période d’incubation a été définie comme l’intervalle entre la première date possible de contact avec le virus et la première date possible d’apparition des symptômes. Des prélèvements des voies respiratoires supérieures ont été réalisés chez toutes les patientes qui ont toutes subi un examen thoracique. Toutes les patientes ont accouché par césarienne, puis les nouveau-nés ont été transférés au service de néonatologie. Les résultats cliniques ont été suivis jusqu’au 12 février 2020.

Principales données cliniques et biologiques :

La période d’incubation moyenne est de 5 jours (de 2 à 9 jours, selon les participantes),

Lors de leur admission, les symptômes étaient divers : 6 patientes avaient de la fièvre, 1 de la toux, 1 un essoufflement et une diarrhée ;

Les tests de laboratoire montrent que toutes les patientes ont un nombre de leucocytes normal,

5 des niveaux de neutrophiles supérieurs à la normale,

5 des niveaux de lymphocytes inférieurs à la normale,

2 des plaquettes inférieures à la normale,

Le dosage des D-dimères est supérieur à la normale chez toutes les patientes (troubles de la coagulation) ;

2 patientes présentent des degrés différents d’anomalie de la fonction hépatique, ainsi qu’une augmentation de l’alanine aminotransférase ou de l’aspartate aminotransférase, ou les deux ;

Certains biomarqueurs liés à l’infection, la procalcitonine (mesurée chez 6 patientes) et le taux de sédimentation érythrocytaire (mesuré chez 5 patientes) sont supérieurs aux valeurs normales chez 4 patientes ;

Toutes les patientes présentent des concentrations anormalement élevées de protéine C réactive. Idem avec l’’interleukine-6, testée chez 4 patientes ;

2 patientes avaient une infection à H1N1 et 1 à Legionella pneumophila ;

Le scanner thoracique montre une pneumonie bilatérale chez 6 des 7 patientes et une pneumopathie unilatérale chez la 7è patiente.

Traitements :

Toutes les patientes ont reçu :

une oxygénothérapie, via un cathéter nasal, de manière isolée,

un traitement antiviral,

des médicaments chinois traditionnels,

un traitement antibiotique (céphalosporines, quinolones, macrolides),

5 patientes ont été traitées par méthylprednisolone (corticoïde) après la césarienne ;

Toutes les patientes ont accouché par césarienne après consultation avec une équipe multidisciplinaire après 37 semaines à 42 semaines (en moyenne 39 semaines de grossesse).

Résultats chez les mères : les résultats des femmes enceintes étaient bons :

il n’y a pas eu d’admission en unité de soins intensifs pour les mères pendant la période d’étude, y compris avant et après l’accouchement ;

à la fin du suivi (12 mars 2020), toutes les patientes étaient sorties de l’hôpital avec une température corporelle normale (pendant plus de 3 jours), une réduction « considérable » des symptômes respiratoires, une amélioration significative à l’imagerie pulmonaire, et 2 tests consécutifs sur prélèvements nasaux négatifs.

Résultats chez les bébés :

Les poids de naissance et les scores d’Apgar étaient normaux ;

4 nourrissons ont été ramenés à la maison et n’ont pas été testés pour le SRAS-CoV-2; ils n’ont développé aucun symptôme suspect durant les 28 jours suivant la naissance ;

3 nourrissons sont restés en observation en service de néonatologie et ont été testés : 1 seul s’est avéré positif 36 heures après la naissance. Transféré à l’hôpital pour enfants de Wuhan, le nouveau-né n’a développé ni fièvre ni toux, juste de légers symptômes d’essoufflement. La radiographie pulmonaire a révélé une légère infection pulmonaire. L’essoufflement s’est rapidement soulagé. Le bébé est rentré à la maison 2 semaines plus tard après 2 tests négatifs consécutifs. 28 jours après la naissance, ces trois nouveau-nés étaient en bonne santé et exempts de tout symptôme respiratoire ou fièvre.

Les auteurs apportent les commentaires suivants :

Les stéroïdes n’ont été utilisés qu’après césarienne et dans cette étude, aucune complication liée aux stéroïdes n’a été enregistrée chez les mères et les nourrissons, mais leur sécurité doit encore être démontrée ;

En raison des altérations des niveaux d’hormones et de la diminution des volumes pulmonaires causées par l’augmentation de la taille de l’utérus pendant la grossesse, les patientes peuvent présenter une détérioration clinique plus rapide ;

Alors que les effets du virus et des médicaments sur le développement du fœtus sont peu connus, la consultation d’une équipe multidisciplinaire (obstétrique, maladies infectieuses, médecine interne, pédiatrie, anesthésie, psychologie et hygiène hospitalière) visant à programmer l’accouchement s’impose ;

Le recours en temps opportun aux antibiotiques pour prévenir les infections bactériennes secondaires et renforcer le traitement de soutien immunitaire peut réduire les complications et la mortalité ;

Aucun personnel médical n’a été infecté par le SRAS-Cov-2 pendant toute la période de suivi ;

Globalement, dans cette étude, les résultats maternels, fœtaux et néonatals des femmes enceintes atteintes de pneumonie COVID-19 sont meilleurs que chez des femmes enceintes atteintes d’une infection par le SRAS. Les chercheurs rappellent que dans le cas du SRAS, aucun signe d’infection périnatale chez les nourrissons nés de mères infectées pendant la grossesse n’a été rapporté ;

Si l’étude présente les limites liées à son faible échantillon, à une inclusion de toutes les participantes au troisième trimestre de grossesse et à une durée de suivi relativement courte, elle conclut, de manière positive à des caractéristiques cliniques de ces patientes enceintes atteintes de COVID-19 comparables à celles de femmes non enceintes avec COVID-19.

« Les résultats maternels, fœtaux et néonatals de ces femmes enceintes infectées en fin de grossesse semblent très bons », concluent les auteurs.

Terki Hassaïne

Centres d’intérêt : Allaitement maternel Infectiologie Vaccination L'Humain