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Ce que l’on sait sur la chloroquine

Proposé par Pr A. Bouchetara

La communauté médicale et scientifique s’agite autour de la chloroquine, un médicament qui pourrait aider à faire disparaître le coronavirus chez les personnes infectées.

Disponible, peu coûteux… La chloroquine est le médicament dont tout le monde parle dans ce contexte de pandémie de coronavirus. Ce médicament notamment utilisé dans le traitement du paludisme vient finalement d’intégrer l’essai clinique européen de grande ampleur baptisé Discovery.

Chloroquine : qu’est-ce que le Plaquénil et dans quel cas est-il prescrit ?

La chloroquine et l’hydroxychloroquine, qui est un médicament analogue, sont déjà sur le marché, sous les noms commerciaux de Nivaquine et de Plaquenil. Ces traitements sont respectivement vendus 4,55 et 4,17 euros la boîte et une ordonnance est nécessaire pour se les procurer. Ces médicaments sont utilisés pour traiter le paludisme et certaines maladies auto-immunes, comme le lupus ou la polyarthrite rhumatoïde

Ils existent depuis des dizaines d’années (la Nivaquine a été commercialisée en France à la fin des années 1940) et on les connaît donc bien. Leur utilisation possible dans le cadre de l’épidémie actuelle de Covid-19 fait partie d’une stratégie dite “de repositionnement de molécule”, une expression employée pour désigner l’utilisation d’un médicament déjà existant pour une autre maladie.

Chloroquine : comment se déroulent les essais cliniques ?

Depuis lundi 16 mars, des traitements sont testés sur 3.200 patients atteints de Covid-19. Tous ont été recrutés sur la base du volontariat, et près de 800 d’entre eux sont des Français hospitalisés à Lyon, Paris, Lille, Strasbourg et Nantes. Plusieurs molécules seront testées dans le cadre de cet essai clinique de grande envergure  baptisé Discovery, pour les besoins duquel les patients seront répartis de façon aléatoire en plusieurs groupes. Cinq modalités de traitements seront expérimentées :

a. soins standards (ventilation, oxygénation…)soins standards + remdesivir (médicament antiviral mis au point par le laboratoire Gilead pour lutter contre Ebola)

b. soins standards + lopinavir (inhibiteur de protéase utilisé comme antiviral pour le traitement du VIH) + ritonavir (antirétroviral également utilisé contre le VIH

c. soins standards + lopinavir + ritonavir + interféron bêta, utilisé pour améliorer la réponse immunitaire

d. soins standards + hydroxychloroquine.

Les tout premiers résultats de cet essai clinique sont attendus sous deux semaines.

Plaquenil et coronavirus: quels sont les effets de la chloroquine sur le Covid-19 ?

Une étude chinoise menée dans plus de 10 hôpitaux et parue dans la revue BioScience Trends a montré que “le phosphate de chloroquine était plus efficace que le traitement reçu par le groupe comparatif pour contenir l’évolution de la pneumonie, pour améliorer l’état des poumons, pour que le patient redevienne négatif au virus et pour raccourcir la durée de la maladie”. Le gouvernement chinois a donc inscrit la chloroquine dans son arsenal thérapeutique contre l’infection.

Prenant exemple sur cette étude, une équipe française en a réalisé une autre sur 24 patients infectés. Mené à l’Institut hospitalo-universitaire de Marseille (IHU) par son direct, le Professeur Didier Raoult, infectiologue, ces recherchent donnent des résultats très encourageants.

Dans une vidéo datée du lundi 16 mars et destinée à un public médical, le Professeur Raoult indique que “au bout de 6 jours, il y a 90 % qui sont porteurs du virus (parmi ceux qui n’ont pas reçu d’hydroxychloroquine,) et chez ceux qui ont reçu du Plaquenil, au bout de 6 jours, il n’y a plus que 25% qui sont porteurs”. Le Professeur Raoult ajoute que “quand on a associé l’hydroxychloroquine avec l’azithromycine (un antibiotique destiné à protéger des complications bactériennes entre autres), on a une diminution spectaculaire du nombre de positifs. Or, tous ceux qui meurent, meurent avec le virus, donc le fait de ne plus avoir le virus, ça change le pronostic”. 

Chloroquine et coronavirus : quelle posologie pendant les tests ?

Le Professeur Raoult prescrit aux patients atteints de coronavirus qu’il prend en charge 600 mg d’hydroxychloroquine par jour, sous forme de comprimés administrés en trois prise, le tout pendant dix jours, ainsi que 250 mg d’azithromycine à raison de deux fois le premier jour, puis une fois par jour pendant cinq jours.

Efficacité de la chloroquine : les résultats des tests décriés

Les études sur l’utilisation de la chloroquine contre le coronavirus sont cependant décriées par certaines spécialistes, car jugées trop peu détaillées : dans l’étude chinoise, on ne sait pas quel était le traitement comparatif, il n’y a pas de groupe placebo dans l’étude française, laquelle a été menée sur seulement 24 patients (ce qui est très peu). “Jamais aucun pays au monde n’a accordé une autorisation de traitement sur la base d’une étude comme celle-ci”, a souligné le ministre de la Santé Olivier Véran. Des études supplémentaires sont donc nécessaires pour faire les choses dans les règles.

Chloroquine et Covid-19 : qu’en pensent les autorités sanitaires ?

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’a pas retenu la chloroquine dans la liste des traitements prioritaires à évaluer mais le signale tout de même dans sa liste de médicaments en cours de test

L’institution a cependant mis en garde contre les “faux espoirs” que ce médicament pourrait susciter. “Des études réduites et non randomisées, réalisées à partir d’observations, ne nous apporteront pas les réponses dont nous avons besoin”, a souligné le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, lors d’une conférence de presse, pointant ainsi du doigt l’étude menée sur 24 personnes à l’IHU de Marseille.

Le Haut conseil de la santé s’est également prononcé sur la chloroquine. “Il recommande de ne pas utiliser ce traitement en l’absence de recommandation, à l’exception de formes graves, hospitalières, sur décision collégiale des médecins et sous surveillance stricte”, a déclaré le ministre de la Santé Olivier Véran lundi 23 mars.

Quid de l’utilisation de la chloroquine contre le coronavirus à l’étranger ?

Donald Trump a vanté les mérites de la chloroquine, qu’il décrit comme un “don du ciel”. “Nous allons pouvoir rendre ce médicament disponible quasiment immédiatement”, a-t-il déclaré. Le président des Etats-Unis a également affirmé que ce traitement avait été approuvé par la Food and Drug Administration (FDA), qui n’est autre que l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux. Pourtant, il n’en est rien. L’administration qui supervise la commercialisation des médicaments n’a pas encore validé la chloroquine, mais a simplement annoncé qu'”un essai étendu” était prévu.

Chloroquine : vers une pénurie à cause du coronavirus ?

La chloroquine étant parfois présentée comme un “remède miracle”, elle est déjà victime de son succès : dans certaines pharmacies, il devient de plus en plus compliqué de s’en procurer. C’est ce que dénoncent des personnes atteintes de lupus, et qui sont sous Plaquénil. 5 millions de personnes à travers le monde et près de 30.000 Français sont touchés par cette maladie auto-immune, qui survient lorsque le système immunitaire s’attaque aux cellules de l’organisme et les détruit. Sanofi, qui produit le Plaquénil s’est néanmoins montré rassurant dans les colonnes du Parisien : “Il n’y a pas de rupture d’approvisionnement pour ce traitement. Des stocks sont fabriqués et ils vont arriver dans les jours qui viennent”.

La chloroquine interagit-elle avec d’autres médicaments ?

Des interactions médicamenteuses existent avec les traitements utilisés chez les patients en réanimation, ce qui empêche de fait de l’utiliser dans les cas les plus graves (dans l’état actuel des connaissances). Parmi les médicaments avec lesquels la chloroquine interagit on retrouve :

les médicaments qui contiennent du citalopram et l’escitalopram, qui sont des antidépresseurs, mais aussi de la dompéridone

l’ampicilline, dont les niveaux peuvent être réduits par la chloroquine ;

les antiacides, qui peuvent également diminuer l’absorption de la chloroquine ;

la cimétidine, peut inhiber le métabolisme de la chloroquine ;

la cyclosporine, dont la chloroquine peut accroître le taux ;

les hormones thyroïdiennes, qui entraînent un risque d’hypothyroïdie si elles sont associées à la chloroquine.

Chloroquine : quelles sont les contre-indications ?

Le Réseau français des centres régionaux de pharmacovigilance (RFCRPV) explique que “la chloroquine est contre-indiquée ou fortement déconseillée en cas de : diabète, épilepsie, de maladies cardiaques (insuffisance cardiaque, infarctus, arythmie, allongement congénital du QTc), de maladie de Parkinson, de porphyrie, de déficit en G6PD, de rétinopathie (ou autre maladie chronique de l’œil), de troubles de la kaliémie ou de la magnésémie.” De plus, elle “ne doit pas être utilisée pendant la grossesse (ni l’allaitement,) sans avis médical”. Mais ce n’est pas tout : le médicament ne doit pas non plus être utilisé dans les cas suivants :

allergie au blé autre que la maladie cœliaque, car le comprimé contient des traces d’amidon de blé ;

maladie de la rétine, sauf en cas de traitement d’urgence du paludisme ;

allaitement, car le médicament passe dans le lait maternel, il est déconseillé à titre préventif.

Quels sont les effets indésirables de la chloroquine ?

Si l’utilisation de la chloroquine à grande échelle contre le coronavirus est décriée par certains spécialistes, c’est notamment parce qu’elle présente un certain nombre d’effets secondaires, comme l’indique leRFCRPV : “la chloroquine présente des effets indésirables bien identifiés et s’avère hautement toxique en cas de surdosage (particulièrement chez les enfants). De plus, la dose toxique peut être atteinte rapidement”, indique le Réseau français des centres régionaux de pharmacovigilance (RFCRPV). Parmi les effets secondaires on retrouve :

  • troubles digestifs avec nausées,vomissements et diarrhées ;
  • éruptions cutanées et prurit ;
  • troubles cardiaques comme une cardiomyopathie, troubles de la conduction et du rythme cardiaque ;
  • affections hématologiques comme une anémie hémolytique ;
  • troubles psychiatriques comme des insomnies, une anxiété, une dépression, une confusion, ou encore des hallucinations ;
  • céphalées, étourdissements, convulsions ;
  • effets oculaires comme une vision floue. “D’exceptionnels cas de rétinopathies liées à l’accumulation de la molécule et pouvant conduire à des lésions irréversibles de la macul, ont été décrits chez des patients recevant un traitement au long cours. Des cas de maculopathie et dégénérescence maculaire pouvant être irréversibles ont été rapportées”,
  • des affections hépatobiliaires, comme une élévations des enzymes hépatiques ou des hépatites.

Source : le Réseau français des centres régionaux de pharmacovigilance.

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