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Épidémie, contagiosité, R0, mesures barrières
21 Mars 2020
Robert Cohen
Le R0 est le taux de « reproduction » des maladies infectieuses, c’est-à-dire le nombre moyen de personnes qu’une personne contagieuse peut infecter. Ce taux s’applique, et se calcule à partir d’une opulation qui est entièrement susceptible d’être infectée, c’est-à-dire qui n’a pas encore été vaccinée ni immunisée contre un agent infectieux.
Il se calcule sur le mode d’une équation simple : Ro = ß.c.d
• ß représentant la probabilité de transmission,
• c le taux de contact (ou nombre de contacts par unité de temps),
• d la durée de contagiosité.
C’est en quelque sorte une échelle de Richter des maladies transmissibles, qui contribue à calculer notamment le temps de doublement d’une épidémie et permet d’approcher le pourcentage de la population (P) qui devrait être immunisée (par l’infection naturelle ou par vaccination) pour empêcher le déclenchement ou le maintien d’une épidémie (P = [1-1/R0)). En quelque sorte c’est le pourcentage de la population qui devrait être immunisée pour que l’effet groupe (herd immunity) soit suffisant pour empêcher l’épidémie de prospérer.
Pour la pandémie due au Sars-CoV2, comme avant l’épidémie, on peut considérer qu’aucune personne n’était immunisée. Les données concernant le R0 pour ce virus sont entre 2 et 3, en sachant qu’il s’agit de chiffres moyens, certains étant « hyper-contaminateur » (pouvant contaminer plusieurs dizaines de personnes) d’autres faiblement contaminateur. Si on prend un R0 moyen de 2,5, il faudrait que 60 % de la population soit infectée (de façon symptomatique, pauci-symptomatique ou asymptomatique) pour que l’épidémie s’arrête. On
comprend donc que des millions de personnes risquent d’être infectées et que même si l’infection est individuellement bénigne, même si le risque de formes graves voire de décès est inférieur à 1% ou à 1‰, des milliers de personnes seront hospitalisées en réanimation ou décèderont. La mise en place de mesures barrières a pour objectif de réduire le R0 de la maladie mais ne peut théoriquement diminuer le pourcentage de sujets immunisés permettant d’arrêter l’épidémie. Ces mesures visant à limiter la contamination ont une action sur la hauteur du pic de la maladie en l’abaissant, mais théoriquement ne modifie pas l’aire sous la courbe (le nombre de patient). C’est pour cette raison que certains pays (Hollande, Suède, Angleterre dans un premier temps…) avaient pris l’option de ne pas renforcer les mesures barrières de façon aussi drastique que ce qui avait été fait en France et dans de nombreux autres pays. Ce ralentissement de la contagion est fondamental pour permettre au système de santé de mieux faire face à l’arrivée massive de malades notamment les plus graves. De plus, ces mesures pourraient permettre d’attendre une baisse « naturelle » du R0, si l’agent pathogène, comme on l’espère, se transmet moins facilement pendant la saison estivale (dans l’hémisphère nord), ce qui est le cas pour le virus de la grippe, le VRS, ou d’autres coronavirus humains déjà connus. La transmission du Sars-CoV-2 de fait essentiellement par les grosses gouttelettes émises en toussant,
éternuant ou parlant, plus rarement par les mains ou les objets contaminés : c’est pour ces raisons que le port du masque chirurgical par les soignants, le renforcement de l’hygiène des mains et des surfaces jouent un rôle capital. En population générale le distancement à plus d’un mètre et le confinement, en diminuant le nombre de sujets contacts, ont certainement une efficacité. Un chiffre de réduire à moins de cinq les « contacts » par jour en population générale a été avancé : la encore c’est une moyenne qu’il ne faut pas prendre à la lettre. De toute façon, ces mesures ne vont pas stopper l’épidémie mais réduire le risque et le nombre de malades. Pour réduire la propagation de l’épidémie, la mesure complémentaire la plus efficace, est la mise au point d’un vaccin. Plus de 30 candidats vaccins existent, utilisant différentes technologies, mais en l’absence de seuil d’anticorps protecteurs connu, seules des études cliniques comportant un nombre relativement important de malades pourront démontrer à la fois leur tolérance et leur efficacité. De ce fait, un délai inférieur à un an avant la mise à disposition d’un vaccin, est inenvisageable.
Enfin, des traitements diminuant la charge virale, comme des antiviraux ou la chloroquine si leur effet est confirmé, ou d’autres médicaments pourraient jouer un rôle en diminuant la contagiosité et le R0.